Pourquoi je choisis de ne plus « accompagner », mais de RENCONTRER?

Pourquoi je choisis de RENCONTRER les personnes qui s’adressent à moi et non plus de les accompagner?

Pendant longtemps, dans le cadre de mon activité d’infirmière, j’ai pris à cœur cette citation de Joseph Templier : « Accompagner quelqu’un, c’est se placer ni devant, ni derrière, ni à la place. C’est être à côté. » Cependant, après plusieurs années d’accompagnement, j’ai fini par me sentir « coincée » par mes outils, mes protocoles et mes connaissances en psychologie humaine. En écoutant les personnes s’exprimer, je commençais à imaginer des pistes de compréhension et des actions qu’elles pourraient entreprendre, comme si j’avais une longueur d’avance sur elles: je “savais” pour elles là où elles étaient censées se rendre, ce qu’elles devaient apprendre.

Mais qui suis-je pour élaborer tous ces schémas dans ma tête?

Et j’ai compris que « se placer à côté » ne signifie pas nécessairement « rencontrer ».

Les moments charnières de ma vie sont liés à des rencontres avec des personnes capables de naviguer entre leur monde et le mien. Elles ont su me renvoyer ce que mes paroles ou mes comportements provoquaient en elles, à travers des sensations, des émotions, des questions et des échanges sincères et respectueux. Elles ont su réveiller mes espoirs, me confronter dans mes incohérences. Elles m’ont offert un espace même si elles ne comprenaient pas complètement ce que je vivais; elles étaient empreintes de curiosité, d’ouverture et acceptaient ce flou tout en ayant confiance en moi, en mes capacités à cheminer dans ma vie.

C’est là que réside la RENCONTRE, dans cet espace où nous nous effleurons du bord des lèvres et du coeur.

Cette idée peut paraître un peu naïve. Elle est pour moi engageante, exigeante, essentielle, vitale. La rencontre humaine est le lieu où je me construits, j’évolue, j’apprends, me redéfinis sans cesse pour m’adapter au monde. Les pratiques narratives postulent que nous sommes des êtres sociaux, que notre identité se construit au contact des personnes que nous côtoyons, du contexte social, culturel, historique dans lequel nous évoluons.

Le pouvoir de la rencontre réside dans cet interstice qui permet d’exister, de s’exprimer, de se vivre et de se confronter avec authenticité, respect et profondeur, loin des injonctions sociales sur ce qui est bien de penser, de faire ou de dire.

Car, comme l’affirme Charles Pépin dans son livre « La rencontre », « l’individu doit faire l’expérience de l’altérité pour se saisir de sa singularité ».

Quand j’ai commencé mon école d’infirmière, la posture professionnelle était de « laisser notre vie privée au vestiaire » en même temps que nous enfilions notre blouse, afin de donner toute la place au patient que nous allions rencontrer. Surtout pas de partage de résonances, pas d’émotions. Laisser de côté tout ce qui vit en soi pour laisser toute la place à l’autre.

Cette « distance relationnelle » a ses raisons me direz-vous. Et regroupe de nombreux adeptes. Oui, c’est vrai. Elle évite au professionnel de se laisser submerger par sa propre histoire et ses propres émotions lors des échanges. Elle permet de ne pas « mélanger » ce qui vient de soi et ce qui vient du patient. En même temps, au fil des années et des expériences, j’ai pu constater combien cette distance appauvrit l’échange, le rend «intellectuel», «protocolé».

Aujourd’hui, mes connaissances, expériences, mon savoir ne sont plus des outils, ils me constituent, font de moi qui je suis. Ils ne sont plus jamais appliqués de façon systématiques et uniformes.

Aujourd’hui, je m’engage dans le rôle de “l’Alter”, qui permet à la personne qui s’adresse à moi, à travers notre rencontre, de « se rencontrer »; rôle qui me mobilise dans mon entièreté.

J’ai appris à trouver le juste équilibre entre quoi amener de moi, et ce qui est juste de laisser de côté. Le processus est subtil et demande beaucoup de finesse, une observation pointue de soi et de l’autre, une capacité à percevoir autant ce qui est dit que ce qui n’est pas dit. Et une posture humble.

Quand je rencontre les personnes dans le cadre de mes activités professionnelles, c’est comme si leur monde prenait vie en moi. Je m’adapte, je ressens, je vibre, j’entends, je perçois, je vois, je sens. Après un temps de gestation de quelques secondes, ou quelques jours, ou quelques semaines selon les activités choisies, je “l’accouche” et le leur donne en retour, parfois plus net, parfois plus dense, ou plus léger, parfois plus silencieux, parfois enrichi d’autres mots ou émotions; parfois teinté d’une autre couleur. Leur parcours reste le même, mais emballé dans une histoire différente.

Retours de participantes à diverses activités:

« Bonjour Marie-Jo,
Nous avions tracé un sentier escarpé et vous l’avez rendu praticable à la lecture de leurs destinataires. Merci de décoder avec fidélité mes dires. 
Votre écoute et votre regard sont différents de tout ce que j’ai connu. J’ai l’impression que vous entrez dans mon esprit comme dans mon cœur. Grâce à vos expériences dans les récits de vie, vous donnez suite à ce que je dis sans entrer dans mon fonctionnement habituel. Par vos questions, vous me faites sortir de ma façon usuelle de raconter mon histoire pour mettre en lumière d’autres choses. Et ça, je trouve que… wow !  » P. 64 ans

« Bonjour Marie-Jo,
Votre message est tellement chou ! Merci aussi ! Je suis vraiment ravie qu’au travers de notre si belle rencontre, vous ayez aussi découvert des choses. Quant à moi, j’aurais pu vous parler pendant des heures des retombées de notre pratique! Je n’en reviens toujours pas !!! C’est ça l’interdépendance, non ? 25 ans de thérapie et j’ai l’impression d’avoir abouti avec vous. Je suis très touchée et j’espère qu’on se reverra. Je vous embrasse tendrement. Bien à vous. MM.

Dans cette vision, à partir de ces découvertes, je ne peux que m’adapter si je veux rester cohérente. Mon défi : faire de cette évolution une force, même si ma posture se trouve en décalage avec le discours dominant dans le domaine de l’accompagnement professionnel qui est de « garder la distance» avec ses clients, et d’user de protocoles établis.

J’ai affiné, de ce fait, mes propositions qui offrent dorénavant un cadre singulier pour chacune, et des temps de rencontres, en individuel ou en petits groupes ; en présentiel, en ligne ou par lien épistolaire ; par la parole, l’écriture ou par la créativité.

Une fois que vous aurez découvert le programme de l’automne sur le site actualisé, partagez-moi vos réactions, vos questions, vos idées ou envies, je suis preneuse ! Vos retours me permettront de me situer et de continuer à évoluer. Merci d’avance!

Voici le lien pour consulter les nouvelles propositions : www.mariejovarin.ch

Hâte de vous lire, et je le souhaite, de vous rencontrer prochainement.

Je reviendrai à vous pour vous présenter plus en détail chaque nouveauté.

En attendant, au programme de cet automne, avec un cadre adapté :

Lumineuses pensées, à bientôt

Marie-Jo.

EN BONUS, deux événements à venir, très intéressants :

du 28 sept au 1er oct à Tramelan, le festival de spiritualités https://www.refbejuso.ch/fr/activites/formation-des-adultes-en-eglise/festival-de-spiritualites

sur inscription, le 29 nov de 13h45 à 17 à Porrentruy:
« Accompagner la vie, même en cas de maladie » www.palliativebejune.ch